Gastronomie Steinfort
© Hadrien Friob

The Good Life Steinfort, la gourmande

4 minutes

Le terroir dans l’assiette

Dans le paysage gastronomique de la commune de Steinfort, les notions de terroir et de respect des saisons sont cruciales. Deux chefs, à peine trentenaires qui ont envie d’en découdre avec les codes établis. Ils font bouger les lignes… et ça marche !

Représentant une même génération, Thomas Murer et Mathieu Van Wetteren ont ouvert leur restaurant à une année d’intervalle. L’« Apdikt » de Mathieu d’abord, en 2017, dans une ancienne pharmacie. Il y joue parfaitement avec les codes d’apothicaires : anciens flacons, armoires à tiroirs, carrelage vert, auxquels il ajoute des luminaires chinés, des tables réalisées avec d’anciennes portes de wagons et une vaisselle réalisée à la main.

Fin 2018 suivait « An der Villa » de Thomas Murer, investissant, comme son nom l’indique la Villa Collart. Les deux se connaissent et s’apprécient. Ils n’hésitent pas à s’envoyer des clients quand leur établissement affiche complet, et à partager leurs bonnes adresses pour trouver les bons produits.

Gastronomie
© Hadrien Friob
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C’est d’ailleurs là qu’on les retrouve : ils disent « au jardin ». En ce matin d’octobre, la brume tarde à se lever au-dessus des champs. Le « Krautgaart » a été fondé en 2016 par Claude Petit, Max Epstein et Jean-Marc Parries, formés dans les domaines de la botanique, de l‘agronomie, de l’écologie du paysage et de l’environnement. Les derniers légumes d’été ont été récoltés, place à l’automne et à ses saveurs terreuses : rutabagas, topinambours, choux-raves, navets et courges.

Pour les deux chefs, c’est un passage obligé pour rester proche des produits et de la saisonnalité: « Nous devons écouter la nature et c’est ce que pratiquent ces maraîchers avec une vraie philosophie dans leur démarche », entame Thomas Murer, chargeant des cageots de légumes qu’il proposera cette semaine à sa carte.

Le respect du légume

Celui qui a commencé son apprentissage à 14 ans dans son Alsace natale est passé par quelques grandes tables qui l’ont formé : « Jean-Luc Brendel de La Table du Gourmet, une étoile Michelin, m’a transmis l’amour des plantes et m’a fait découvrir le vinaigre et leurs déclinaisons. Chez Haeberlin de l’Auberge de l’Ill, trois étoiles Michelin à l’époque, j’ai pu travailler le beau produit, de manière classique et très respectueuse. Chez Patrick Jeffroy, alors deux étoiles Michelin, à la retraite depuis 2019, j’ai découvert en Bretagne le respect des légumes », raconte-t-il.

Thomas développe sa passion pour la cuisine gastronomique, mais, volant de ses propres ailes, préfère s’éloigner de la pression des étoiles pour proposer une carte plus simple, lorgnant ce qu’on appelle la bistronomie : «Travailler comme dans un bistro, mais avec une qualité gastronomique, rester accessibles pour un grand nombre de gens sans faire de concessions sur la qualité. »

Pour cela, il faut faire preuve d’inventivité et d’audace : « Oser les parties moins nobles de l’animal en les rendant intéressantes par la cuisson, la marinade, les accompagnements. Mais aussi travailler les produits entiers en jetant le moins possible. Il faut se challenger sans cesse. » Un chou fermenté au caramel de cumin figure ainsi à la carte du moment : un clin d’oeil à sa région d’origine qui joue sur des saveurs nouvelles.

Krautgaart Steinfort
© Hadrien Friob

« Le sourcing des produits, c’est la moitié du travail », confirme Mathieu Van Wetteren qui ne veut « pas céder sur la qualité que ce soit pour une carotte ou pour une langoustine. Plus le produit est simple, meilleur il doit être ». Lui aussi a choisi de s’approvisionner le plus localement possible et remet par exemple à l’honneur les poissons de rivière comme la truite ou le sandre, trop peu travaillés dans la gastronomie.

« Je passe beaucoup de temps chez des producteurs de la région pour trouver un maximum de ressources locales. Je cherche des produits qui ont du goût, qui peuvent être servis pour eux-mêmes, car ma cuisine est assez minimaliste. » Ainsi, son menu du moment utilise la quetsche fermentée ou revisite l’écrasé de pommes de terre au lait battu de son enfance. « Les techniques de fumage, de fermentation, de maturation, les pickles, les vinaigres… ce ne sont pas des gadgets, ce sont des moyens d’apporter de l’émotion, de plonger dans les souvenirs. », relate-t-il.

Partir pour se perfectionner

Mathieu Van Watteren a aussi commencé jeune : « À 14 ans, pour m’offrir une Playstation, j’ai travaillé en cuisine et j’ai découvert cet univers. J’ai accroché et je ne l’ai plus quitté », se souvient-il. Il a accumulé les expériences : « Chez Wohlfahrt, trois étoiles Michelin, en Forêt-Noire, j’ai appris la rigueur, chez Yves Mattagne, la cuisson des viandes et poissons ». Sans doute le chef qui l’a le plus marqué est Sergio Herman au «Jane» à Anvers, connu pour ses dressages au cordeau, ses accords intrépides.

Jamais lassé d’apprendre et de se frotter à d’autres cultures, le Luxembourgeois Mathieu voyage régulièrement au Japon, d’où il a rapporté un couteau réalisé sur mesure, et dans les pays scandinaves. « J’ai envie de continuer à me permettre de partir plusieurs fois par an, pour découvrir toujours plus et me perfectionner ».

Pour Thomas Murer, il s’agit de « se recentrer sur le juste produit au juste prix ». Il est ainsi passé d’une carte à une ardoise avec des plats élaborés selon les arrivages du marché.

Éveiller les émotions

Ils se rejoignent encore quand il s’agit de parler de l’importance de leur équipe. « Je veux faire en sorte que mes collaborateurs soient heureux. Travailler en harmonie avec mon staff, profiter de ma famille, rester en bonne santé…», insiste le chef de «An der Villa». «Ma grande chance est d’avoir une petite équipe, sur laquelle je peux compter ». « Leur bien-être, leur rythme de travail, le respect de la voix de chacun sont aussi importants que ce qu’on met dans l’assiette », complète l’autre.

Le repas, ce n’est pas seulement ce qu’on mange au moment où on le mange, c’est le souvenir qu’on en garde et l’empreinte qu’il laisse. À Steinfort, ces chefs font en sorte de procurer des émotions qui donneront envie de revenir.

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Cuisine de terroir et de saison

De nouveaux concepts, des idées fraîches : une gastronomie qui a de la suite dans les idées au Luxembourg.

  • Apdikt
  • An der Villa
  • Au restaurant La Table de Frank, le chef Frank Steffen sert de la viande d’une grande fraîcheur, « de chez le boucher directement à l’assiette ».
  • De Gudde Maufel: le chef Frank Manes réinterprète la tradition luxembourgeoise de manière passionnante.
  • Aal Schoul: dans le restaurant du célèbre boucher Guy Kirsch, la viande de boeuf de qualité fait école !
  • La terre luxembourgeoise rencontre la mer française : Le Jardin de la Gaichel est le restaurant du Breton Erwan Guillou.
  • De Bräiläffel a été fondé par Aloyse Jacoby, ancien chef de l’équipe nationale de cuisine. Aujourd’hui, le restaurant s’enorgueillit d’un sommelier de la bière.

Plus d'articles : Une cuisine épurée à la touche poétique

Dans le château historique de Bourglinster, aux portes de la capitale luxembourgeoise, René Mathieu sert à ses clients une cuisine étoilée. Ses créations font la part belle aux plantes et aux légumes, mis en scène dans des histoires romanesques au sein desquelles la forêt joue un rôle tout particulier.

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